"L'alsacien n'est pas une vraie langue. Il n'a pas de grammaire."
On rencontre aussi la forme positive, un peu naïve, mais plus juste : l'alsacien est une vraie langue, il a une grammaire.
Tous les parlers ont "une grammaire". Même si celle de l'alsacien n'avait pas été étudiée et décrite, cela n'empêcherait pas le dialecte d'en avoir une. Il a, par exemple,
- Une morphologie (des formes de mots correctes, d'autres qui ne le sont pas) : le participe de mache est gmacht, celui de kumme est kumme. On dit Er het's gmacht "il l'a fait", et Er ísch kumme "il est venu". Si quelqu'un s'avisait de dire *Er het's gmache ou Er ísch kummt, on remarquerait qu'il ne parle pas correctement.
- Une syntaxe, un ordre normal des mots. On dit Er het's gmacht, mais Wel er's gmacht het "parce qu'il l'a fait" (dans certains endroits, on dit Wel er's het gemacht). Celui qui dirait Er's gmacht het, ou bien Wel er het's gmacht ne parlerait pas correctement.
Ce n'est pas par l'existence ou non d'une grammaire qu'on peut distinguer une langue écrite d'une langue purement orale. Cette dernière distinction est le résultat d'évolutions historiques très longues. En ce qui nous concerne, nous n'avons aucun intérêt à vouloir transformer l'alsacien en langue écrite. Au lieu de nous ouvrir sur le monde extérieur, cela nous enfermerait dans notre folklore, sans bénéfice pour la conservation du dialecte.
Soyons militants, mais lucides : nous parlons l'alsacien (pas seulement lors des manifestations du Friejoor fír unseri Sprooch), nous le transmettons aux enfants, mais nous écrivons l'allemand standard (sauf si nous faisons des poèmes ou des pièces de théâtre en dialecte).